César

Förord till denna utgåva

Här följer Jacques Grévins tragedi César, som gavs ut i samlingen Le theatre de Jaques Grevin de Clermont en Beauvaisis, 1561, som även innehåller komedierna La Tresorière och Les Esbahis samt Le second de l'Olimpe och Le second livere de la Gelodacry m.fl.[1].

För innehållet har Grévin låtit sig inspireras av Marc Antoine Murets Julius Caesar, som gavs ut i dennes samling Juvenilia, 1552. Härigenom kom även SenecaA A) Lucius Annaeus Seneca den yngre, ca 5 f.Kr.-65, romersk författare, filosof och politiker., att påverka dramats utformning. Men givetvis hämtade Grévin inspiration även från andra verk. Främst har han använt Plutarchos'B B) Plutarchos, ca46-ca 120, grekisk, senare romersk medborgare, historiker, biograf m.m.. οἰ βίοι παράλληλοι (Jämförande levnadsteckningar), som 1559 kom i fransk översättning, Vies des hommes illustres, av Jacques Amyot.C C) Erasmus av Rotterdam, 1466-1536, betydande nederländsk lärd verksam i renässans­humanismen. Även Suetonius'D D) Gaius Suetonius Tranquillus, ca 70 - efter 122, författade bl.a.tolv kejsarbiografier. De vita Caesarum var honom behjälplig. Bland övriga källor kan såväl CicerosE E) Marcus Tullius Cicero, 106-43 f.Kr., romersk retor, författare och politiker. Orationes in Catilinam, som Muret 1577 gav ut med kommentar,[2] som Erasmus' Adagia och Apophtegmata. Bland hans samtida märks, utöver Muret, särskilt Joachim du Bellay och hans Antiquitez de Rome från 1558, samt Cléopatre captive av Étienne Jodelle,F F) Étienne Jodelle, 1532-1573, fransk poet och dramaturg. som var en föregångere vid teaterns förnyelse under 1500-talet.

Personerna i Grévins tragedi är Caesar, hans maka Calpurnia och hennes amma samt Caesars högra hand Marcus Antonius; konspiratörerna Marcus Brutus, Cassius och Decimus Brutus; samt en budbärare och en skara av caesars soldater.

Förta akten inleds med Caesars oro för sitt liv, men han fruktar inte döden, då han anser sig redan ha bevisat sitt mod. Emellertid är han orolig för Roms öde, om skulle han dö. I andra akten förklarar Marcus Brutus, att han har föresatt sig, att döda Caesar. Tillsammans med sina medkonspiratörer, Decimus Brutus och Cassius, förendade i sitt hat mot Caesar, förbereder han sig. Akt tre tar sig an den dröm Calpurnia har haft om Caesars öde. Hon övertalar så Caesar, att inte bege sig till senaten. Men Decimius Brutus får honom ändå, att ändra sig. Fjärde akten bringar budet om Caesars ärofulla död till Calpurnia och budbäraren begråter Caesars död och förbannar hans mördare. Med femte akten avslutas dramat, då Cassisus och Marcus Brutus visar upp den blodiga dolk, som dödat Caesar, och hyllar Roms frihet. Men Marcus Antonius uppvisande Caesars toga utlovar hämd.

Dramat är skrivet på alexandriner, förutom i körpartierna, som består av åttastavingar. Rimmen är växelvis manliga och kvinnliga, förutom på några få ställen.

César de Grévin
1

César, tragédie

Entreparleurs

  • Ceſar
  • Marc Antoine
  • Marc Brute
  • Caſſius
  • Decime Brute
  • Calpurnie
  • La nourrice
  • Le meſſagier
  • La troupe des ſoldats de Ceſar

Acte Premier

Ceſar

1 Quel mal ua furetant aux moüelles de mes os?
Quel ſoucy renaiſſant empeſche mon repos?
Quel préſage certain d'horreur, d'ennuis, de flàme,
D'ennemis, & de mort ſe mutine en mon âme?
2 Quel ſouſpwçon me tourmente? Et quelle peur me ſuit,
Et regèle touſiours mon ſang à demi-cuict?
Ceſar, non plus Ceſar, mais eſclaue de crainte,
Vainqueur, nō plus uaīqueur, mais ſerf qui porte emprainte
La honte ſur le front. O premier Empereur!
10 Mais que dy-ie Empereur, puis qu'il fault uiure en peur?
Quoy! qu'au cueur de Ceſar la crainte prenne place?
Non, il n'en ſera rien: car cela ſeul efface
« L'hōneur de mes beaux faicts. Il uault bien mieux mourir[3]
« Aſſuré de tout poinct, qu'inceſſamment périr
15 « Faulſement par la peur. Mais après les uictoires
Acquiſes à grand' peine, & après tant de gloires,
Ne ſeray-ie obéy? Ne donneray-ie fin
Au uouloir obſtiné de ce peuple mutin?
C'eſt trop uiure peureux, c'eſt par trop uiure en doute,
20 C'eſt ſuyure trop long temps celuy que ie redoute.
« Ainſi le plus ſouuent on ſe rend ſeruiteur,
« De ceux deſquels on doit eſtre le ſeul ſeigneur.
Mais n'eſt-ce pas aſſez uécu pour de ma gloire
Enſuyure heureuſement une longue mémoire?
25 Mais n'eſt-ce pas aſſez qu'auoir par mes uertus
Rangé deſſous mes loix les uainqueurs des uaincus?
N'eſt-ce donc pas aſſez d'être craint de ceux meſme
Deuant qui de frayeur tout le monde uient bleſme?
Ce m'eſt aſſez de uoir la Romaine hauteur
30 Ores eſtre bornee auecque ma grandeur.
Ce m'eſt, ce m'eſt aſſez que de la terre & l'onde
I'ay uainqueur limité & Rome & tout le monde:
Vienne quand ell' uouldra, uienne la mort trancher
Le long fil de mes ans, ell' ne me peult faſcher.
35 Ceſar qu'un chacun craint, ne craint poinct ce paſſage,
3 Ayant auant mourir contenté ſon courage.
Ie ſuis preſt, ie ſuis preſt, ſi le cruel Deſtin
M'a ia promis en proye à ce peuple Latin,
Qui a ueu malgré ſoy deſſus ſon chef reluire
40 L'heureux auancement de mon premier empire.

Mais ne me fay-ie tort, me baſiſſant en uain
Le dangereux aſſault d'une traîtreſſe main?
Si fay, ie me fay tort, en me faiſant entendre
Ce qu'un peuple ennemi n'oſeroit entreprendre.
45 Aborder un Ceſar, qui n'eut iamais haineur
Qui ſoudain ne ſentit l'effort de ſa fureur!
Aborder un Ceſar, à qui n'eſt échappée,
Sans d'elle ſe uanger, l'audace de Pompée!G G) Gnaeus Pompeius Magnus ingick tillsammans med Caesar i triumviratets, men vid dess upplösning stod de mot varandra i imbördeskrig.
Ceſar, qui a domté tout cela que le Ciel
50 Encloſt ſous ſa uouture & ſ'eſt faict immortel
Par la mort d'un rebelle, accrauantant l'audace
De ſon gendre orgueilleux, & de toute ſa race:
Et qui pour n'auoir ueu au monde qu'un Soleil,
Ne l'a uoulu ſouffrir ny plus grand ni pareil!
55 Aborder un Ceſar, qui comme les tempeſtes
Foudrayent à l'inſtant & mille & mille teſtes,
Emmorcelant d'un coup le front plus orgueilleux
Des plus braues chaſteaux qui menacent les Cieux,
S'eſt faict uoye au trauers de cette maſſe ronde,
60 Arrondiſſant ſon heur par la rondeur du monde!
Außi Ceſar eſtoit ſeul digne d'un tel heur,
Que de tout l'uniuers il fuſt le ſeul ſeigneur.
L'Itale en ſcait que dire, außi font des Eſpagnes
Les peuples baſanez & toutes les campaignes
65 Ou Garonne, la Seine & le Rhin deſbordé
Reſemblent au courir un cheual deſbridé.
4 Tu as ueſcu pour toy, & ce poinct te demeure,
Ceſar, que par ta mort la meſme audace meure
De ceux à qui tu as librement pardonné,
70 S'il eſt cruellement du Deſtin ordonné,
Au méſchef de Ceſar, qu'en ce grand mal extreſme
Vn qui a tout uaincu ſoit uainqueur de ſoy-meſme.
Ces murs audacieux, ces grands palais Romains,
Maintenant ſeul horreur du reſte des humains,
75 Sçauront après ma mort de combien ma préſence
Sert pour contregarder leur antique puiſſance.
Toy Rome qui as faict tout un monde trembler,
A ce monde tremblant tu pourras reſſembler,
Heritant le Deſtin de la grand' Phrygienne:H H) Åtminstone sedan de grekiska tragöderna hade Troja kallats frygiskt — se Edith Hall, When Did the Trojans Turn into Phrygians? Alcaeus 42.15.
80 Et comme deſpitant l'alteſſe Olympienne,
Malgré l'arreſt du Ciel, l'horreur de ton fardeau
A ton heur & ton nom ſeruira de tombeau:
Et ne reſtra ſinon que ton idole errante
Pour ſeruir d'une fable à l'aage ſuruiuante,
85 Dont tu ſeras la praye, & le riche butin
D'un grand peuple ennemi plus farouche & mutin.
Alors les grands tréſors en publiques rapines
Seruiront pour un temps aux nations uoiſines:
Et toy pauure, trop tard, trop tard, regretteras
90 Les Guerriers que pour lors au ſecours tu n'auras:
Te ſentant atterrer, défauldra ton courage
Parmi tous les ſoldats, ainſi que d'un orage,
Ou d'un éclat de fouldre on uoit ſouuentes fois
Deſraciner les pins au milieu des grands bois.
95 Tu uerras malgré toy de tes poinctes hautaines,
Et de tes nourriſſons enſemencer les plaines.
Sans qu'il en ſorte après un ſeul pour te uenger,
5 Comme il feit de ces dens que l'on ueit eſchanger
Sur la riue eſtrangère, à l'heure que la terre
100 Enfanta tout ſubit la fraternelle guerre.
Mais ie pry tous les dieux d'eſtre estimé menteur,
Pluſtost que de prédire un étrange malheur
A ceux qui ſuruiuront, ou que pour la malice
De quelques enuieux, la cruelle iuſtice
105 Des dieux iuſte-uengeurs deſſerre ſon effort
Sur ceux là qui n'auront iamais cauſé ma mort.
Hé! quel bien leur uient-il, ſi bruſlants d'une enuie
Ils font mourir celuy qui leur donna la uie?
Quel honneur, quel proffit, quel plaiſir, quel bien-faict
110 Suyura l'auteur premier d'un ſi cruel meſfait?
Mais plu toſt un remors, un remors miſérable
De la mort déſireux talonnant ce coupable
Viendra ramenteuoir un antique déſir
Allonguiſſant ſes iours, lors qu'il uoudra mourir,
115 Se ſentant trop heureux, ſi pour mieux luy complaire,
On auance ſa mort ainſi qu'il me ueult faire.

Marc Antoine

117 Le Grece entre ſes heurs, uanteuſe, publira
Vn Achille, un Hercule & Troye n'oublira
La race de Priam:I I) Priamos var den siste kungen i Troja och far till Hektor. mais Rome pourra dire
120 Que de ces deuanciers le los ne peult ſuffire
Pour attaindre aux honneurs, qu'un Ceſar ſ'eſt acquis,
Ayant plus brauement tout un monde conquis,
Qu'Achille ſon Hector, qu'Alcide ſon Anthee,J J) Grekernas störste kämpe Akilles besegrade trojanernas störste kämpe Hektor medan hjälten Herakles besegrade jätten Antaios.
Que Francus[4] l'Alemagne & Gaule ſurmontee.
125 Heureuſe Rome, heureuſe ores d'auoir receu
L'heur du Ciel qu'un Ceſar en tes bras fuſt conceu.
Heureux außi Ceſar, maintenant ie te nomme
6 Heureux cent mille fois d'eſtre né dedans Romme.
De Rome la grandeur un Ceſar méritoit,
130 La grandeur de Ceſar entre toutes eſtoit
Seule digne de Rome: & Ceſar & la uille
Sont dignes de tenir ceſte maſſe ſeruile.

Ceſar

133 Si l'un de l'autre eſt digne, & que le lieu plus beau
De Rome, ſoit pour faire à Ceſar un tombeau,
135 Il faut que de Ceſar la mort qu'elle procure
Luy ſerue quand-&-quand de meſme ſépulture:
Et ſ'il eſt ordonné par un arreſt fatal,
Que cil dont les deſſeins & le pouuoir eſgal
Meſure ſon pouuoir par la meſme puiſſance
140 De la terre & du Ciel, uſant trop de clémence.
Soit maſſacré des ſiens, il fauldra pour ce tort
Que la mort de Ceſar ſoit de Rome la mort.

M. Antoine

143 Hé, ne l'eſt-ce pas ci qui ſongeart ſe promeine?
Il ne ſera faſché de uoir ſon Marc Antoine.
145 Mais dites, Empereur, ſeul honneur des Romains,
Qui le monde tenez paiſible entre uos mains,
Quel déſir, quel malheur dedans uous ſe mutine,
Apres auoir rangé tout ce que la courtine
De ce ciel enuironne, & tout ce qu'ApollonK K) Foibos Apollon, beskyddare av musik och poesi.
150 Eſclaircit aux flambeaux du iournalier brandon?

Ceſar

151 C'eſt peu d'auoir uaincu, puis qu'il faut uiure en doute.

M. Antoine

152 Mais ſ'en peult-il trouuer un qui ne uous redoute?

Ceſar

153 « Celui qu'un chacun craint ſe doit garder de tous,
7 « Car un chacun uoudrait le maſſacrer de coups.

M. Antoine

155 Qui uoudroit uous garder de régner & de uiure.
Vous qui auez rendu toute Rome déliure,
Luy redonnant la uie auecque la ſeurté?

Ceſar

158 « Ha! qu'il eſt malaiſé de régir liberté!
« Le cheual galopant par la plaine ſans bride,
160 « Ne ſe laiſſe dompter par celuy qui le guide,
« Les reſnes & le mors ne le tiennent ſuiet,
« Et n'a que ſon uouloir ſeulement pour obiet.

M. Antoine

163 Il fault tant ſeulement, il fault uoſtre préſence,
Qui ſeruira de frein à leur outrecüidance,
165 Et ſi quelques déſirs en leurs cueurs allumez
Les rend audacieux encontre uous armez,
Vous ferez derechef le fer de uos batailles
Brauement destremper en leurs propres entrailles,
Là où tout le pouuoir de ce peuple Latin
170 Se uerra pour iamais de Ceſar le butin.

Ceſar

171 « La douceur ſied bien mieux pour finement combattre
« Le cueur audacieux d'un peuple opiniaſtre:
« Car d'autant que l'on penſe uſer de cruauté,
« D'autant en ſon orgueil ſe rend-il incité.

M. Antoine

175 Ouy, mais ſi la douceur n'y eſt la bien uenue,
La puiſſance ſera par force maintenue:
Ainſi a deuant uous le monarque GregeoisL L) Alexander den store, 356-323 f.Kr., kung av Makedonien och erövrade Egypten och besegrade Akemenidernas rike.
Rangé deſſous ſa main, la puiſſance des Rois:
Et or' uotre grandeur ne peult-elle ſuffire
8 Pour deſſus les Romains, eſleuer un empire,
Ceſar, qui auez faict tout un camp aſſembler,
Deuant qui l'on a ueu tout le monde trembler,
Vous qui auez borné uoſtre grandeur acquiſe,
Par le cours du Soleil & par la froide bize?

Ceſar

185 Laiſſons là ma grandeur & l'effort de ma main,
Puiſque ie ſuis ſubiect à un peuple Romain,
Qui ſe reſent touſiours de ſon premier anceſtre.

M. Antoine

188 Que demandoit-il mieux ſinon uous reconnoîſtre
Pere de la patrie, & uous porter honneur,
190 Comme uous eſtes ſeul cauſe de ſa grandeur?

Ceſar

191 Cela fait ſeulement qu'ores plus ie m'aſſeure
En ce diſcours douteux, depuis que ie meſure
L'honneur & les bien-faicts, qu'il a receu de moy.

M. Antoine

194 Non, non, n'eſtimez rien, n'eſtimez rien la foy
195 Que ie uous iuray lors, que ſortant d'Italie
En habit déſguiſé, au danger de ma uie
Ie m'en allay uers uous, uous monſtrant le moyen
De dompter aiſément ce peuple Italien:
Non, ne l'eſtimez rien, ſ'il ſe trouue un ſeul homme
200 Qui ne uous reconnoiſſe estre ſeul, qui de Romme
Méritez entre tous l'entier gouuernement,
Et qui ne ſoit tout preſt à preſter le ſerment
Ainſi qu'il appartient à ſon Roi, à ſon Prince,
Et digne gouuerneur d'une telle prouince.

Ceſar

205 Aduienne qui pourra, quand Ceſar ſera mort,
9 Quelque Ceſar ſera le uengeur d'un tel tort.

M. Antoine

207 Antoine ne ueult uiure après ſi grande iniure
Sans en eſtre uengeur, des ceste heure il ſ'aſſeure
De mourir quelques iour ſous le luiſant harnois,
210 Pour défendre le droict du dompteur des Gaulois.

Ceſar

211 Mais laiſſons ces deuis, & parlons de l'affaire,
Qui plus de tout cela ſe monſtre néceſſaire:
Vous allez au Sénat.

M. Antoine

Ià le Soleil eſt hault,
Ce qui me fait haſter puis uous ſçauez qu'il fault
215 S'aſſembler auiourd'hui, & que uoſtre preſence
Eſt requiſe ſur tout.

Ceſar

Ie feray diligence,
Allez uous en deuant, & propoſez touſiours
Mon deßein, tout ainſi qu'en ſçauez le diſcours.

(La Troupe des soldats de Ceſar.)

Le premier

219 Braues ſoldats, où est le temps?
220 Où est la fureur de nos ans?
Où ſont les premieres tempeſtes
Deuancieres de nos conqueſtes?
Ou est l'orage tournoyant?
Ou est le froißis abboyant
225 Le ſein de TethysM M) Tethys var en av de tolv titanerna i grekisk mytologi. Hon var dotter till Gaia och Uranos. courroucee,
10 Lors que d'un Aquilon chaſſee
Aguiſoit ſes ondes aux cieux
Emmontagnees en cent lieux?
Ou eſt la bataille trempee
230 A la pourſuyte de Pompee?

Le ſecond

231 Ie reſen encor' dedans moy
L'eſguillon du premier eſmoy
Faire renaîſtre cette enuie
De remettre encore ma uie
235 Au hazard du premier danger:
Ie me reſens encourager,
Tout preſt de r'eſſayer la peine
Qui enſuit la poudreuſe plaine:
Ie ſens rallumer derechef
240 Ce qui nous feit leuer le chef
Entre les triomphes de gloire,
Qui enſuyuirent la uictoire.

Le premier

243 « Ce n'eſt ſeulement que l'honneur
« Qui reſuſcite la grandeur,
245 « Eſguillonnant la braue audace
« D'une noble & premiere race.
« L'honneur eſt le ſeul nourricier
« De la proüeſſe d'un guerrier,
« C'eſt l'eſperon qui ſeul le pique
250 « Défendant une République:
Touſiours par luy ſe ſont eſpris
Premierement les bons eſpris.
Pour premiers oſer entreprendre
Le chemin foulé d'Alexandre.N N) Alexander den store, 356-323 f.Kr., kung av Makedonien och erövrade Egypten och besegrade Akemenidernas rike.

11

Le troisième

255 « La force ne uient d'autre part:
« Car incontinent qu'un ſoldart
« S'eſt mis deuant les yeux la gloire,
« Il tient à demi la uictoire:
La force luy double, & le cueur
260 Se ſentant ia preſque uainqueur,
Luy enfle dedans la poictrine,
Qui d'honneur & de gloire pleine
En lui fait apparoîſtre encor'
Les uaillantiſes d'un Hector
265 Et les proüeſſes dont Alcide
Vengea le Geant homicide.

Le quatrième

267 Pendant que les premiers Gregeois
Furent gouuernez par les Rois
Ialoux de cette belle gloire,
270 Ils eſtendirent leur uictoire
Sur les plus farouches domptez,
Et de ces peuples ſurmontez
Se faiſant maîſtres, par le monde
S'eſpandit leur gloire feconde.
275 Ainſi le braue fils d'AEſonO O) Jason var en grekisk hjälte jagade det gyllene skinnet, vilket bl.a. beskrivs i Apollonios Rhodios' Argonautika.
Rapporta la riche toiſon.
Et d'une audace plus hautaine
Rama premier l'humide plaine.

Le troisième

279 La gloire fit premierement
280 Bienheurer leur commencement:
Mais quand-&-quand que la pareſſe,
Se feit de leurs neueux maîſtreſſe,
12 La couardiſe des derniers
Vint démentir les deuanciers:
285 « Car un champ uoire plus fertile
« Le rend en la fin inutile,
« Si le ſoc n'eſt ſouuent caché
« Au plus creux de ſon dos tranché.

Le quatrième

289 « Iamais le ſemence féconde
290 « De ceux qui ont dompté le monde
« Ne tint le loiſir pareſſeux
« Auecque les biens des ayeux:
« Iamais de l'Aigle généreuſe
« Ne uint la colombe peaoreuſe. »

Le premier

295 Mais il faut craindre les malheurs
Qui ſuyuent ſouuent les uainqueurs,
C'eſt, que n'ayant plus réſiſtance,
Eux-meſme contre leur puiſſance
Prennent les armes, encor' plus
300 Se font eſclaues des uaincus.

Acte Second

Marc Brute

301 Rome, iuſques à quand, iuſques à quād ſera-ce,
Que tu pourras ſouffrir une nouuelle audace
Eſleuer par ſur toy le bras impérieux,
Auec l'impiété d'un chef préſomptueux?
305 Quel ſouuenir te point? Quel hōneur t'eſguillonne
Des ayeux, des neueux? Quelle franchiſe ordonne
Que tu craignes celuy que ſoigneuſe tu as
D'un ſoing plus curieux nourri entre tes bras?
13 Encores plus, malheur! qu'il te tienne contraincte
310 Sans qu'à tes nourriſſons tu en faces complaincte:
Qui pour te racheter du ſeruage inhumain,
Remettent ſus l'honneur du uieil peuple Romain.
Rome, n'as-tu aſſez cogneu la conuoitiſe
Que Ceſar ua cachant deſſous une feintiſe,
315 Ce traîſtre, ce cruel, cest ingrat eſhonté,
De qui la trahiſon auec la cruauté
Oncques ne ſut cacher par menteur artifice
L'infaſme uolonté de ſon infaſme uice?

Et toy, ô Dieu Guerrier, de qui nos deuanciers
320 En bon heur & grandeur furent les heritiers,
S'il te ſouuient de Rhee,P P) Vestalen Rhea Silvia blev mor till Romulus och Remus, sedan Mars våldfört sig på henne. & de tes fils beſſons,
Que tu as eſleué du milieu des buiſſons
Pour rebaſtir encor' une nouuelle Aſie,
Souuienne toy du ſort de cette tyrannie:
325 Remets deuant tes yeux les ſages Fabiens,
Les Metelles uaillans, & les Fabriciens,Q Q) Av de betydande släkterna Fabius, Caecillius och Fabricius hörde de först­nämnda till patricierna, medan de övriga var plebejer.
Et ces deux qui premiers pour le ſalut publique
Se mirent au danger d'une meurtriere picque,
Et oſerent mourir de propre uolonté,
330 Pourueu que par leur mort l'honneur fuſt racheté.
Mais nous, abaſtardis, trop indignes de naiſtre
Du moindre ſucceſſeur du moins uaillant anceſtre,
Nous endurons encor' au plus beau de nos ans
Reſuſciter l'orgueil des ſept premiers Tyrans.
335 Brute, reſouuiens toy (puis que ſeul ie demeure
Qui ueult pluſtoſt mourir que le Tyran ne meure)
Reſouuiens toy du nom que tu as, & retiens
Encor' de la uertu de tous les anciens:
Hé, Brute! retiens en, tout au moins, le courage
14 Et ne te ſouille ainſi d'un infame ſeruage.
Hé, Brute! ton pays ne te peult il mouuoir?
La uoix des citoyens n'ha-t-elle le pouuoir
De t'enflamer le cueur trop abiect & ſeruile,
Te reprochant que Brute eſt abſent de la uille?
345 Et, pauure! cs pendant tu la uois endurer,
Sans lui donner moyen de pouuoir eſpérer,
Ny des ſiens, ni de toy, qui contemne l'audace
La nobleſſe & uertu de ton antique race.

Non, qu'un tel déſhonneur ne me ſoit reproché,
350 Que d'auoir, patient, trop longuement caché
Le uouloir qu'ay receu de ma premiere race,
Pour un iour eſtoufer cette royale audace.

« Non, on ne ueit iamais un homme de grand-ame
« S'eſtre faict ſeruiteur: car l'honneur qui l'enflâme
355 « Fait qu'il ne ueult iamais ſeruir à ſon pareil.
Et or' la liberté ſeruira de Soleil
A Brute, pour prouuer à chaſcun qu'il est homme,
Deſcendu de celuy qu'on regrette dans Romme.

« Le lyon que Lybie eſleue entre ſes bras,
360 « Le taureau, le cheual ne preſtent le col bas
« À l'appetit d'un ioug, ſi ce n'eſt par contraincte:
Fauldra-il donc que Rome abaiſſe ſous la craincte
De ce nouueau Tyran le chef de ſa grandeur,
Et faſſe malgré ſoy ce qu'ils ont en horreur?
365 Rome effroy de ce monde, exemple des prouinces,
Laiſſe la tyrannie entre les mains des Princes
Du Barbare eſtranger, qui honneur lui fera,
Non pas Rome, pendant que BruteR R) Lucius Junius Brutus läfr ha varit en av grundarna av den romerska republiken. uiuera.
Rome ne peult ſeruir Brute uiuant en elle,
370 Et cachant dedans ſoy ceſte antique querelle.
15 Ce n'eſt aſſez que Brute aiſt arraché des mains
D'un TarquinS S) Tarquinius Superbus var Kungariket Roms sjunde och siste kung. orgueilleux l'empire des Romains,
« S'il n'eſt contregardé. Le neueu ne mérite
« Eſtre héritier des biens, ſi l'ayeul ne l'excite
375 « À ſuyure ſa uertu, & ſi auec les biens
« Il ne monſtre le cueur de tous ſes anciens.
Brute monſtre toy donc, & d'une belle gloire
Voüe auiourdhuy ta uie, à la longue mémoire:
Autrement tu n'es pas digne d'auoir ueſcu,
380 Si après toy ne uist l'honneur d'auoir uaincu.
Brute, fais auiourdhuy, fay, fay que Ceſar meure,
Afin qu'à tout iamais ta mémoire demeure
Ennemie du nom de ce Tyran cruel,
Comme uiuant ie ſuis ſon ennemi mortel.
385 Et quand on parlera de Ceſar & de Romme,
Qu'on ſe ſouuienne außi qu'il a eſté un homme,
Vn Brute, le uangeur de toute cruauté,
Qui aura d'un ſeul coup gagné la liberté.
Quand on dira, Ceſar fut maître de l'empire,
390 Qu'on die quand-&-quand, Brute le ſceut occire;
Quand on dira, Ceſar fut premier Empereur,
Qu'on die quand-&-quand, Brute en fut le uangeur.
Ainſi puiſſe à iamais ſa gloire eſtre ſuyuie
De celle qui ſera ſa mortelle ennemie.
395 Puiſſent à tout iamais ceux qui uiendront de nous
Sentir, en tel beſoing, en leur cueur le courroux
Que ie couue dans moy, & dont ia l'eſtincelle,
Trop long temps patiente, auiourdhuy ſe décelle:
Puiſſent, puiſſent-ils uoir reflorir quelquefois
400 L'ennemi des Tyrans & des iniques Rois.
16

Cassius

O main trop ocieuſe! ô fureur patiente!
Voire trop patiente, après ſi longue attente.
Hé! que n'ay-ie déià faict eſprouuer la mort
A ce Tyran cruel, pour nous uenger du tort
405 Qu'il a faict aux Romains? Que n'ay-ie en ſes entrailles
Enterré le loyer de toutes les batailles,
Dont aux champs Eſpagnols il ſe ueit le uainqueur?
Que n'ay-ie des quatre ans, faict faire de ſon cueur
Vn galion flottant dedans le fleuue meſme
410 Que le ſang auroit faict delaiſſant le corps bleſme?
Mais ce n'eſt rien perdu, ſi encores l'amour
Que ie porte au pays ſe remonſtre à ce iour,
A ce iour bien heureux, qui aura ioüiſſance
De reuoir entre tous l'entière déliurance
415 Du pouuoir, de l'honneur que toute antiquité
Auait ſi bien acquis à ſa poſterité:
De reuoir les treſors que ce meſchant deſrobe,
Eſtre remis au mains du peuple à longue robbe.
Et uous Brute, c'eſt or' qu'il fault que la uertu.
420 Qui a ſi longuement dedans uous combatu
Pour ſe monſtrer encor, uous face dedans Romme
Brauement eſprouuer ſi uous eſtes tel homme
Que uoſtre nom teſmoigne, & ſi auec le nom
Vous cachez dans le cueur de ce premier brandon
425 Dont uos uaillans ayeux eurent l'ame eſchaufée.

M Brute

426 Tant que l'impiété & l'audace eſtouffee
De ce Tyran iniuſte ayent pris fin par nous,
Le ſomne diſtillant ne me peult eſtre doux,
Tant m'eſt à contrecueur le ſort de ce ſeruage

Caſsius

17 Ie ſens mon cueur, mon ſang, mes eſprits, mon courage,
Et rompre & bouillonner, & bruſler, & bondir,
Tous coniurans en un, à fin de m'enhardir
A eßpuiſer ſon ſang, & de plus grand' audace
Et de pieds & de mains l'aborder face-à-face.
435 Armé d'un tel uouloir ie ueulx, ie ueulx cacher
La dague en ſa poitrine, & ne l'en arracher
Sinon auec la uie, à fin que puiſſe dire,
Qu'auray tué d'un coup & Ceſar & l'Empire.

Tout ainſi qu'un bon qui deſcendant d'un bois,
440 Après auoir ouï une buglante uoix,
Vient ſur l'herbe affronter auecque ſa furie
Le taureau, dont à l'heure il deſrobe la uie:
Ainſi ie ueux ſur luy ma fureur attiſer,
Et par un meſme coup cette guerre apaiſer.
445 Ce traître rauiſſeur de la franchiſe antique,
Ce larron effronté de tout le bien publique,
Ne doit-il pas uomir ſa rage auec le ſang
Par une meſme plaie? & estre mis au rang
Des haineurs du pays? Il fault, il fault qu'il meure
450 Par ma main uengereſſe, & ores qu'en meſme heure
Ie hazarde ma uie es mains des ennemis:
« Car celuy meurt heureux qui meurt pour ſon pays.
Mais qui uous entretient en ſi longue penſee,
Puiſqu'il faut mettre fin à l'affaire preſſée?
455 Si le Soleil leuant uous a ueu tormenté,
Il fault qu'à ſon coucher il uoye liberté
Remiſe par uos mains en ſa uigueur plus forte:
Ie ſuis appareillé pour uous y faire eſcorte
Et mettre le premier, quand il ſera beſoing,
18 Le courage en mon ſang, & la dague en mon poing.
Parlez, que tardez uous? encore que ie ſçache
Le but de nos deſirs, & qu'en uous ne ſe cache
Vn cueur dißimulé, ſi ueux-ie bien ſçauoir
Encore par la uoix quel est uotre uouloir.

M. Brute

465 Que demandez uous plus? Voulez uous d'auantage?
Puiſque uous connaiſſez de Brute le courage
C'eſt aſſez, c'eſt aſſez puiſque auons arresté
Mourir ou rachepter l'antique liberté.

Décime Brute

469 Que demeurons nous tant? Où est noſtre aſſurance?
470 Abuſera-il encor de noſtre patience?
Ce iour, ce iour heureux qu'auons tant déſiré
Ores ſe rend à nous, & le bien eſperé
Eſt encore à uenir! voici l'heure préſente,
Et retenez encor uotre main patiente!

M. Brute

475 « Nous l'aurons aſſez toſt, pourueu que l'ayons bien.

D. Brute

476 « Il ne fault point attendre, en ce pendant qu'un bien
« Commun aux Citoyens & à toute la patrie
« S'offre dans notre main, & à ſoy nous conuie.
« Ne ſcauez-uous pas bien que le plus grand ſeigneur
480 « Familier d'un Tyran, deuiendra ſeruiteur
« Encore qu'il ſoit libre? & uous ſi d'auantage
Vous hantez ſous ſon toict, uous perdrez le courage,
Et deuiendrez ſon ſerf: Mettons doncques la fin,
Sans d'auantage attendre, à ſon uouloir mutin.
485 N'endurons plus ſur nous régner un Ganymède,T T) Ganymedes var den vackraste av alla dödliga och gudarnas munskänk. Se Hom. Il. 20.233-235 .
Et la moitié du lict de ſon Roi Nicomède:U U) Nikomedes IV av Bithynien var den siste kungen av Bithynien och testamen­terade sitt rike till Rom. Nämns med Caesar i Suet. Jul. 49 1.
19 Dont le iour eſt teſmoing, ou l'on ne ueit monté
En triomphe celuy qui l'auroit ſurmonté:
Lorſque la uoix des ſiens enſeigna la premiere
490 Qu'il le falloit garder de ce chauue adultère,
D'un EgiſteV V) AIgisthos är en gestalt i grekiska mytologien hos Homeros och tragöderna. public, d'un commun rauiſſeur,
Qui ne pardonnerait uoire à ſa propre ſœur.
La Gaule le ſcait bien, & l'en maudit encore:
L'AEgypte en eſt certaine, & ſur la riue more
495 EnoéW W) Eunoe var drottning av Mauret­ania och upp­vaktades av Caesar. Se Suet. Jul. 52 1. le teſmoigne, & encore ce meſchant
Vit entre les Romains!

Caſsius

Il ſçaura qu'un tranchant
Peult par un meſme coup mettre fin à ſa uie,
A ſon heur & malheur, ſa force & ſon enuie.

D. Brute

499 Qu'attendez-uous donc plus?

M. Brute

Qu'il ſ'en uienne au Sénat
500 La nous pourrons auoir matière de debat,
Comme auons arreſté.

Caſsius

Encore qu'il demeure
Plus long temps à uenir, ſi faut-il bien qu'il meure.

D. Brute

503 Ie m'en uay au deuant, ſans plus me tourmenter,
Et trouueray moyen de le faire haſter.

M. Brute

505 Et nous en-ce-pendant d'une audace commune
Nous nous tiendrons tous près d'eſſayer la fortune,
Et trouuerez à l'œuure un chaſcun attentif.

Caſsius

20 Mais i'ai ie ne ſçais quoy qui me detient penſif.
N'eſtes uous pas d'aduis que de force pareille
510 Nous abordions Antoine, á fin qu'il ne reſueille
L'orgueil de ce Tyran en ſes nouueaux amiſ?

M. Brute

512 Ie uous ay touiours dit que ce n'est mon aduis.

Caſsius

513 Si ſeroit-ce bien faict, arrachans la racine
Auecque le gros tronc de tout' ceste uermine,
515 De peur qu'ell' ne reuiue, ou que le pied laiſſé
Ne reſemble celuy qui l'auroit deuancé.

M. Brute

517 C'eſt aſſez, ſoyez prest, pendant que ie regarde
Que chaſcun de mes gens ſe tienne ſur ſa garde.

Caſsius

519 Tu uerras auiourdhuy, antique Palatin,
520 Eſſchine Saturnale, & toy mont Auentin,
O croupe Quirinale, ô grandeur Célienne
O Vimal ancien, & haute Exquilienne,[5]
Et uous arcs de triomphe, honneur d'antiquité,
Vous uerrez auiourdhuy renaître liberté.

(La troupe)

Le premier ſoldat

525 C'eſt ores que la terre toute
La grandeur de Ceſar redoute:
Soit ceſte part où le Soleil
Retire ſon beau teinct uermeil
Et l'or de ſa perruque blonde
530 Hors les bras de la prochaine onde,
21 Qui ſe ridant, en mille plis,
Ore en œillets & ore en lis.
Et ore en roſes uermeillettes,
Et mille petites fleurettes,
535 Semble qu'elle face l'amour
A Phebus le dieu porte-iour:
Soit celle part ou la carriere
Qu'il a ià delaiſſé derrière
Eſt eſgale à celle qui ſuit,
540 Dont il uoit un peuple tout cuict,
Qu'il chaſſe à flammeſches ardentes
Dans les cauernes noirciſſantes:
Soit celle part, où ſ'abaißant
Il ua noſtre monde laiſſant,
545 Et à teſte courbe il ſ'eſlance,
S'abſentant de noſtre preſence,
A fin d'abreuuer ſes cheuaux,
Dedans le uentre des grands eaux.

Le ſecond

549 Les campaignes Theſſaliennes,X X) Thessalien var vid Caesars tid en del av provinsen Macedonia.
550 Et les bouches EgyptiennesY Y) NIlens delta — det ptolemeiska Egypten.
A l'aborder de ſa fureur
Changerent leur blanche couleur:
Le Nil encores le redoute,
Ou ceux qui ſouloyent mettre en route
555 Les plus fors & plus auancés
Furent eux-meſmes repoußez,
Et chaſſez hors de leurs prouinces:
Ou de la chair des plus grands Princes,
Qui ſ'eſtoyent contre lui bandez
560 Furent des chiens auiandez.

22

Le premier

561 Mais n'auez uous poinct ſouuenance
De quel cueur, de quelle conſtance
Il aborda les plus félons,
Et les plus braues eſcadrons,
565 Quand d'une diligente ſuite
Il mit ſes ennemis en fuite?

Le troisième

567 Choſe eſtrange! d'auoir batu
Vn Pompee, dont la uertu
Auoit faict preuue ſuffiſante
570 De ſa proüeſſe renaiſſante.

Le quatrième

571 Et plus eſtrange d'auoir ueu
Vn tel Guerrier eſtre deceu,
Après auoir acquis la gloire
De la Paleſtine uictoire.Z Z) Gnaeus Pompeius Magnus besatte Palestina och intog Jerusalem 63 f.Kr..

Le ſecond

575 « Fortune qui entre ſes mains
« Va peſle-meſlant les humains,
« « Enyure de pareils breuuages
« En la parfin les grands courages.

Le quatrième

579 « Le plus ſouuent les uertueux
580 « Les guerriers plus cheualeureux,
« Font eſſay de la main puiſſante
« De ceſte Deeſſe inconſtante,
« Dont le uouloir est plus legier
« Que les fleiches qui fendent l'air.

Le troisième

585 XerxeAA AA) Xerxes, 519-465 f.Kr., var persisk storkonung, som tillhörde den akemenidiska dynastin. Hen besegrade grekerna vid Thermopyle, men förlorade vid Salamis. ce uaillant capitaine
23 Fleau de la Gregeoiſe plaine,
Qui premier oſa faire un pont
Sur les uagues de l'Heleſpont,
Pour paſſer ſa gendarmerie
590 En l'Europe ioincte à l'Aſie,
Luy grand Monarque & de grand cueur,
Apres auoir eſté uainqueur
Aux plaines & deuant les uilles,
Fit eſſay dans les Thermopyles
595 « Que fortune n'a pas touſiours
« Fauoriſé un heureux cours.

Le premier

597 Penſez uous pourtant ſi nous ſommes
L'horreur du demeurant des hommes,
Et que Ceſar ayant dompté
600 Tout le monde, ſoit redouté,
Que ſoyons ſeurs de notre uie?
Penſez uous point que quelque enuie
Ne ſe couue ſecrètement
Apres l'heureux auancement
605 De ſes déſirs? ſi fait, Fortune
Ne luy peult eſtre touſiours une,
Et crain bien qu'en noſtre malheur
Ell' ne deſſerre ſa fureur.

Le ſecond

609 Ainſi meit-elle la puiſſance
610 Des premiers Rois hors d'eſpérance
De iamais remettre la main
Sur le col du peuple Romain.

24

Acte Troisième

Calpurnie

613 Las! qu'ay-ie ſoupſçonné! Nourrice, qu'ay-ie ueu!
Quel malheur pourſuiuant ay-ie auiourdhuy preueu
615 De perdre mon Ceſar! qu'un autre le menace!
Qu'il ſoit cruellement meurtri deuant ma face!
Tué entre mes bras! las! ie ſens eſlancer
Peſle-meſle une peur au fond de mon penſer.
Las! le cueur me défault, & ie ſens dans mes ueines
620 Le poiſon englacé dont elles ſont ia pleines:
L'air m'eſt tout ennuyeux, & ne puis retirer
Le uent en l'eſtomac pour me faire parler:
Ie ſens partout le corps mes forces amoindries,
Serue, trop ſerue, helas! des craintes ennemies.

625

O uous dieux familiers, ſi quelque ſoing uous tient,
Et ſi quelque amitié des hommes uous détient,
Ou uous peult inciter à eſtre fauorables
Pour le ſecours heureux des pauures miſérables:
Ne permettez, bons dieux, que le iour reſemblant
630 Soit en nostre malheur à ce ſonge ſanglant.
Ne permettez, bons dieux, en luy quelque puiſſance,
Et que de l'auenir il faſſe demonſtrance.
Le cueur, helas! me tremble, & la froide ſueur,
Qui coule de mon cueur me fait naîstre une horreur,
635 Quand ie me reſouuiens de ce qu'ay uu en ſonge.
Ie ſen dans ma poictrine un' humeur qui ſe plonge
Aux mouelles de mes os, & puis ſ'en ua gliſſant,
25 Tout ainſi qu'un ſerpent, par le corps paliſſant:
Et ne ſcay ſouſpeçonner quel malheur plus estrange
640 Mon eſprit me predit. Hé! Quel destin ſe range
A lencontre de moy! Hé! pauurette, ie ſuis
Femme du grand Ceſar, & uiure ie ne puis
Libre des paßions, libre de toute crainte,
Qui me détient ainſi qu'une geenne contraincte.

645

« Heureux & plus heureux l'homme qui est content
« D'un petit bien acquis, & qui n'en ueult qu'autant
« Que ſon train le requiert: las! Il uit à ſa table
« Touſiours accompagné d'un repos déſirable:
« Il n'a ſoucy d'autruy, l'eſpoir des grands tréſors,
650 « Ne luy ua martelant ny l'aſme ny le corps:
« Il ſe rit des plus grands, & leurs maux il écoute.
« Il n'est crainct de perſonne, & perſonne il ne doute
« Il uoit les grands ſeigneurs, & contemplant de loing
« Il rit leur conuoitiſe & leurs maux & leur ſoing,
655 « Il rit les uains honneurs qu'ils baſtiſſent en teſte,
« Dont les premiers de tous ils ſentent la tempeſte,
« Si le Ciel murmurant les uoit d'un mauuais œil
« Accablant tout d'un coup le bonheur & l'orgueil:
Comme ie préuoy bien nostre proche ruine,
660 Si le peuple Romain une fois ſe mutine.

La nourrice

661 Comment, mon cher émoi, que ueult ce nouueau dueil?
Que ueulent tant de pleurs eſcoulans de uostre œil?
Quelle ſubite peur uous ſurprend & martire?
Quelle frayeur, helas! uostre beau teint empire?
665 Que peult-il aduenir, pour lamenter ſi fort,
A la femme de cil qui gouuerne le ſort?

Calpurnie

26 Nourrice, ie ne ſcay quel deſtin me menace:
Mais une peur tremblante en ma poitrine efface:
Tous les plaiſirs paſſez, & ce ſubit effroi
670 Semble quelque malheur prédire contre moy.

La nourrice

671 Mais, pourquoy craignez uous? n'eſtes uous pas aimee
De uoſtre grand Ceſar, dont la puiſſance armee
Fait craindre Rome meſme, & qui ha ſous ſa main
Paiſible gouuerné tout ce peuple Romain
675 L'eſpace de quatre ans?

Calpurnie

Ie n'en ſuis plus heureuſe
« Nourrice, car la craincte est plus impérieuſe,
« Que le pouuoir d'un Roy.

La nourrice

« Vous ſcauez que la peur
« Ne trouua iamais lieu ſinon en petit cueur.
Si donc uous reſentez un feu de uostre anceſtre,
680 Ne la laiſſez paoureuſe en uoſtre cueur renaîſtre:
Mais dites, ie uous pry, qui uous cauſe ces pleurs?

Calpurnie

682 Tant ſeulement un ſonge enaigrit mes douleurs.

Deſia ſur noſtre pol ceste estoile argentine,
Qui annonce le iour, entrait dans la courtine,
685 Dont ſe diſtille en nous le ſomme qui la ſuit,
Et ia ſ'eſtoyent paſſez les deux tiers de la nuict,
Quand ie ſenty couler au plus creux de mes mouelles
Le ſomme gracieux, flatant de ces deux ælles
Le plus fort de mon ſoing, & uoyci, ô bons dieux!
690 Vn eſtrange malheur preſent deuant mes yeux.
27 Nourrice, tenez moy, la force me delaiſſe,
Ie ſen mon cueur eſtreinct ainſi qu'en une preſſe.

La nourrice

693 Madame, reprenez le courage laiſſé,
Et ſuyuez le propos comme auez commencé.

Calpurnie

695 Voici entre mes bras, hélas! le cueur me tremble,
Mon Ceſar maſſacré, ainſi comme il me ſemble,
Le ſang en toutes pars luy coulait de ſon corps,
Ne luy restant ſinon la place entre les mors:
Ie m'eſueille en ſurſault, & or' que ie le touche,
700 Si ne croy-ie pourtant qu'il ſoit dedans la couche:
Ie luy taſte le bras, la poictrine & le flanc,
Et ſemble que touſiours ie me moüille en ſon ſang:
Ie regarde entour moi, & ce qui plus m'eſtonne.
Ie uoy ma chambre ouuerte où il n'y a perſonne.
705 Nourrice de ceci que pourrois-ie penſer,
Sinon que quelque mal nous ueuille deuancer?

La nourrice

707 « Laiſſez cela, Madame, & penſez que la craincte
« Ne ſe doit appuyer ſur une choſe feincte:
« Le ſonge eſt un menteur, tout preſt pour tourmenter
710 « Cil qui facilement ſe laiſſe eſpouuanter.
Et quand il ſeroit uray ce qu'il uous repreſente,
Si eſt-ce qu'il ne fault ſ'en monſtrer mal contente.
« Les dieux ſouuentesfois nous ueulent aduertir
« De ce qui nous menace, & y fault conſentir,
715 « Plutost que dédaigner leur diuine puiſſance.
« Il uauldroit beaucoup mieux par une obéiſſance
« Appaiſer leur courroux, que plorer plus long temps:
« Se préſenter à eux, & auecque l'encens,
28 « Parfumer les autels des temples honorables:
720 « Car, Madame, les dieux ne ſont inexorables.
Non, que ie ſoye de ceux qui ont opinion
Que uerité ſ'aſſemble auec la fiction.
Et qu'on doiue penſer eſtre une choſe uraye,
Ce qui en ſonges uains plus ſouuent nous effraye,
725 Et quant eſt de l'effroy qu'en ſongeant auez eu,
Comme uous racomptez, moins doit-il eſtre creu:
Car qui eſt celuy là qui porteroit enuie
Au père tant humain de toute la patrie?
Mais qui eſt celuy-là, fut-il audacieux
730 Ainſi que les Geans,AB AB) Giganterna var Uranos och Gaias avkommor, men de var inte odödliga. De stred — och förlorade — mot Olympens gudar. prest d'eſcheler les Cieux,
Qui eſt-il celuy-là qui oſast entreprendre
Qu'affronter corpſ-à-corps le ſecond Alexandre?
Laiſſez donc là ces pleurs, & comme un uent leger
Mettez eſuanouir tous uos ſonges en l'air.

Calpurnie

735 Dieu ueuille qu'ainſi ſoit, ma fidèle nourrice.
Mais ſi fault-il pourtant, qu'auiourdhuy ie iouiſſe
Du don que ie demande, & dont ie l'ay prié:
Toutefois il ſe rend tant ſerrément lié
Au profit du pays, qu'ores que ie le prie,
740 Si ne ueult-il pourtant contregarder ſa uie.
Ie luy ay racompté ce qui m'est aduenu,
Mais ſans en faire cas, il ſe ſent plus tenu
Aux Romains qu'à ſoy-meſme, et, chetiue, ie doubte
Que le trop grand amour qu'il leur porte, ne couſte
745 La uie à mon Ceſar. Mais ne le uoy-ie pas?
Si eſt-ce qu'il me fault l'arreſter de ce pas.
Mes prieres, hélas! n'ont elles la puiſſance
De uous tenir un iour?

29

Ceſar

Que ie mette aſſurance
En ces ſonges menteurs? non, de Ceſar le cueur
750 Ne ſera uainement arreſté par la peur.

Calpurnie

751 Aumoins ſi ne uoulez aſſurer uoſtre uie,
Faites à tout le moins pour celle qui uous prie.
Mettez deuant uos yeux les preſages certains,
Qui ſont depuis n'aguere apparus aux Romains,
755 La teſte de Capys, & les cheuaux ſans brides
Plongez inceſſamment en leurs plainctes humides.AC AC) Båda dessa järtecken återfinns i Suet. Jul. 81 1-2.

Ceſar

757 Bien, puis que ie ne puis appaiſer autrement
Le uouloir obſtiné de ce faſcheux tourment.
Laiſſons pour ce iourdhuy nos deſſeins à parfaire:
760 Prenez que ie luy donne un iour pour luy complaire.

D. Brute

761 Magnanime Ceſar, uous eſt-il aduenu
Ores d'eſtre dompté? uous qui auez tenu
Les guerres par dix ans contre l'audace fière
D'un Barbare eſtranger, & or' par la priere
765 Qu'une femme uous fait, ie uous uoy ſurmonté!
Choſe eſtrange! de uoir Ceſar qui a dompté
Les plus braues du monde, eſtre ſerf d'une femme.

Ce n'est plus ce Ceſar, qui d'une plus grand' ame
Foula deſſous ſes pieds & la gloire & l'honneur
770 Des ſept bouches du Nil, & qui domta l'honneur
Des nourriſſons du Rhin & de ceſte grand' plaine
Qui ſuit l'eau doux-coulante au grauier de la Seine,

Les peuples ennemis pourront en cependant
Deſpiter les Romains à leur aiſe, attendant
30 Les ſonges plus heureux d'une femme paoureuſe.
« On dit, on dit bien uray, la femme impérieuſe
« Fait plus auec les pleurs, qu'un guerrier furieux
« Depuis qu'elle a caché un uenin en ſes yeux.

Ceſar

779 Ie me ſens agité, ainſi qu'on uoit au uent
780 Vn nauire forcé, que le North ua ſuyuant:
Madame d'un coſté me retient, & me prie
Que i'éuite auiourdhuy le hazard de ma uie:
Brute d'autre coſté me propoſe l'honneur:
Et ie ſens dedans moi un magnanime cueur,
785 Qui m'empeſche de croire aux ſonges d'une femme.

Mais i'aime mieux la mort qu'endurer un tel blaſme.
Croire en un ſonge uain! qu'il me ſoit reproché
Que i'aye, trop paoureux, dedans mon cueur caché
Vn uouloir affaibli! non pas tant que ie uiue,
790 Le Tybre ne uerra Ceſar deſſus ſa riue
Amoindri de courage, & ſi i'aime bien mieux
Mourir tout en-un coup, qu'eſtre touſiours paoureux:
Ne m'en parlez donc plus, & penſez que la uie
Ne m'eſt tant que l'honneur.

Calpurnie

Hé! pauure Calpurnie!
795 Tu dois bien maintenant leuant les mains aux cieux
Appuyer ton ſecours ſur la pitié des dieux,
Puis qu'il n'en reſte aucun en tes humbles prieres.

La nourrice

798 Non non, ſi le pouuoir des nations plus fières
Ne l'ont ſcu eſtonner, ne penſez pas qu'il ſoit
800 Facile d'empeſcher les deſſeins qu'il conçoit.

Calpurnie

31 Hélas! Ie le ſcay bien: mais allons, ma nourrice.
Pour appaiſer les dieux par un humble ſeruice.

(La troupe)

Le premier soldat

803 Soldats, i'ay encor' ſouuenance
Qu'auez parlé de l'inconstance
805 De la deeſſe aux yeux bandéz:
Mais, ie uous prie, regardez
S'il eſt poßible qu'elle face
Tomber ſur Ceſar ſon audace:
Luy qui n'eut iamais un haineur
810 Qui n'aiſt eſprouué ſa fureur.

Vous ueîſtes de quelle puiſſance
Il ſ'eſt acquis la ioüiſſance
De ce grand empire Romain:
Puis uous le ueiſtes plus humain
815 Redonner librement la uie
A tout' ceſte troupe bannie,
Qui auoit mis tout ſon effort
Pour luy faire ſentir la mort.

Le ſecond

819 Mais i'ai ſouuent entendu dire
820 « Que cil qui arrache un empire
« D'entre les mains de liberté.
« Se uoit en la fin tourmenté:
« Et que touſiours la mort ſanglante
« Suit une force renaiſſante.

Le premier

825 « Touſiours, touſiours l'eſtat des Rois
« Eſt plein de périls & d'effrois,
32 « De meurtres, de ſang & querelle,
« Et iamais de mort naturelle
« Ils n'allèrent paiſiblement
830 « Dans le uentre d'un monument ;
Soldats, tout ce que ie propoſe
Ne ſe dit point pour autre choſe,
Sinon que ie ſcay de longtemps,
Que quelqueſ-uns ſont aſpirants
835 A une franchiſe première:
Et cela me donne matière
De ſouſpçonner quelques malheurs,
Conſidérant außi les pleurs
Et la crainte de Calpurnie.

Le ſecond

840 La pauurette craint que la uie
Ne luy ſoit inhumainement
Auecque le gouuernement
En un meſme iour arrachée.

Le premier

844 Elle ſ'en-ua toute faſchee
845 Tordant ſes bras, la larme à l'œil,
Et demèine un eſtrange deuil
De ce qu'il ne l'a uoulu croire.

Le quatrième

848 Si i'ay encor' bonne memoire,
I'ay entendu que les Troyens
850 Ne feirent compte des moyens
Dont les aduertiſſoit Caſſandre,
Pour ne ſe uoir reduicts en cendre,
Dont les menaçayent les Gregeois.

33

Le ſecond

854 Ceſte prophete quelquefois
855 S'en courut toute eſcheuelee,
Et d'une fureur eſbranlee
Prédiſoit à tout ſon païs,
Que la rauie de Paris
Portoit une commune playe
860 Pour toute la uille de Troye.

Le premier

861 Ell' ne fut crue, & ſur leur port
Ils ueirent le prochain effort
De toute l'Europe embraſee,
Leur uille tout ſoudain raſee,
865 Les palais, les murs, & les forts
Proye des plus cruels efforts
De mille deuorantes flames.

Le quatrième

868 Et puis on penſe que les femmes
Ne ſoyent pouruues de conſeil,
870 Et ie crain qu'un meſme ſoleil
Ne l'aiſt ueue un malheur predire
Et qu'il ne uoye cette empire
Cruellement enſanglanté
Sous l'ombre d'une liberté.

Acte Quatrième

Calpurnie

875 Mais dont me peult uenir ce ſubit trēblemēt,
Ceſt effroy redoublé, & ceſt eſtonnement?

Le meſſagier

877 Quel tourbillonne uēt me rauira de terre?
Quelle eſpeſſe nuee, & quel aſpre tonnerre
34 Me boucheront d'un coup & l'oreille & les yeux,
880 Pour ne uoir ny ouïr un faict ſi malheureux?
O trop cruel deſtin! horrible, deteſtable!
O maiſon de Ceſar & pauure & miſerable!

Calpurnie

883 Hé! nourrice, il est mort.

La nourrice

Preſtez icy la main ;
Elle eſt eſuanoüye.

Calpurnie

O deſaſtre inhumain!

La nourrice

885 Ne craignez rien, Madame, il est encor' en uie.

Calpurnie

886 Ne me celez plus rien, außi bien ay-ie enuie
De m'en aller après: meſſagier, pourſuyuez
A racompter ces maux ainſi que les ſçauez.

Le meſſagier

889 Hé! fault-il que ie ſois d'un malheur tant eſtrange
890 Le rapporteur? Ie ſen une uoix qui ſe change
Trembloyante en ma bouche, ainſi qu'on uoit ſouuent
Les roſceaux ſe ployer ſous le ſouſpir du uent.

Mais puiſqu'il est ainſi, & que la mort celee
N'est que pour enaigrir une fureur meſlee
895 Auecque le ſouſpçon, ie diray ce qu'ay ueu:

Voſtre Ceſar ſortant d'auec uous a receu
Vn liure pour preſent, auecque la priere
De le lire ſur l'heure, ô l'aſſurance entiere!
Il n'en a faict grand compte: & en ce meſme eſtat
900 Sans faire ſacrifice est entré au Senat:AD AD) Romerska senaten var ett av Roms centrala beslutande och rådgivande statsorgan, men berövades mycket av sin makt av Caesar.
Là touſiours importun Cimbe TulleAE AE) Lucius Tillius Cimber var den, som gav signalen, att mörda Caesar, genom att rycka togan från dennes skuldra. ſ'oppoſe
A ſon chemin, feignant luy uouloir quelque choſe,
35 Luy preſente un placet, & touſiours le pourſuit,
Tout ainſi qu'un poullain quand la poutre ſ'enfuit.
905 Or le preſſant ainſi en ſa requeſte feincte,
Voſtre Ceſar a dict, c'est bien plus toſt contraincte
Que priere, & alors CaſcaAF AF) Publius Servilius Casca Casca var den, som utdelade första dolkstöten. tout furieux,
La dague dans la main, la fureur dans les yeux
Qu'il roüilloit çà & là, luy a ceſte meurtriere
910 Caché dedans la gorge & d'audace plus fiere
Brute le ſecondant la d'un coup arreſté,
Luy faiſant eſprouuer la meſme cruauté:
Mais le pauure Ceſar uoyant la réſiſtance
Ne luy pouuoir ſeruir contre telle puiſſance,
915 S'est caché de ſa robbe, & en ce grief tourment
A pris garde ſur tout de choir honneſtement.

Calpurnie

917 O changement eſtrange! ô cruelle iournee!
O ſonge, non plus ſonge, ains uerité donnee
Trop ueritablement! que mon Ceſar ſoit mort
920 Par le glaiue de Brute! O miſérable ſort!
Eſt ce ainſi que le ciel nos fortunes balance?
Eſt ce ainſi qu'un bien-faict le bien-faict recompenſe?
Ceux qu'il a maintenus, ceux qu'il a eſleues,
Auſquels il ſ'est fié, ſont les premiers trouuez
925 Coupables de ſa mort. Que maintenant la terre
Se départiſſe en deux, afin qu'elle m'enſerre
Au plus creux de ſon uentre, & qu'en un meſme iour
Le gendre de CeresAG AG) Ceres' dotter Proserpina är gift med underjordens och dödsrikets härskare Pluton. nous uoye en ſon ſeiour.
Venez doncques à moy, uenez, faux homicides,
930 Deſtremper uoſtre rage en mes ueines humides ;
Vien, uien d'un meſme fer percer mon pauure cueur,
Brute: car autrement tu ne ſeras uainqueur
36 De mon mari Ceſar, i'en ſuis une partie
Qui reſte encor' uiuante: arrache donc ma uie,
935 Couronnant ton meſfaict, puis qu'une meſme main
A maſſacré celuy qui te fut tant humain:
Ne refuſe la mort: fais, hélas! que ie meure,
Afin que plus long temps pauure ie ne demeure
Entre mille malheurs, que deſia ie preuoy
940 En mille & mille pars ſ'eſleuer contre moy.

La nourrice

941 Madame, entrons dedans, craignant que la furie
N'en aigriſſe touſiours leur audace ennemie
Contre uoſtre maiſon: n'arreſtons plus icy.

Calpurnie

944 Ie ueux bien que la mort arreſte mon ſouci:
945 Car außi bien la mort ſeulement me contente,
Puiſque Ceſar mourant tient en ſoy mon attente,
Et mon eſpoir heureux.

Le meſſagier

C'eſt or', c'eſt or' qu'il fault
Que les cercles dorez qui tournayent là hault
Sur les piuots du monde, & tout ce que la terre
950 Douce mère de tous en ſon giron enſerre,
Plolre deſſus la mort de ce grand Empereur,
Portant que ce deſaſtre eſt un commun malheur.

Et toy, Flambeau des iours, compaſſeur des annees,
Retiens pour quelque temps tes flammes ordonnees,
955 Et ne les foüille ainſi, couure d'obſcurité
Les rays eſtincelans de la belle clarté.

Et uous, traîſtres, ingrats, uous, ennemis publiques,
Vous qui reſuſcitez les pauuretez antiques,
Puißiez-uous à iamais dechaſſer d'un chaſcun,
960 37 Mendians de ſecours, eſtre argument commun
De toute impiété: puißiez uous par le monde
Viure piteuſement la uie uagabonde:
Puiſſe ceſte fureur qui arma les Thebains
Vous mettre derechef le glaiue dans les mains
965 Pour uous entretuer: qu'il ne ſe trouue Prince
Qui uous uueille endurer uiure dans ſa prouince:
Que le pouuoir des dieux, & leur iuſte courroux,
Pour un ſi grand meſfaict, redouble contre uous.
En puißiez uous chanter la uictoire Cadmee,AH AH) En Kadmeisk seger är en seger, där segraren inte gynnas mycket mer än förloraren. Jämför Plat. leg. 641c.
970 Captifs en la parfin d'une plus forte armee.

(La troupe)

Le premier soldat

971 Quand ie remets deuant mes yeux
L'eſtat des hommes ſoucieux,
« Et qu'il fault apres tant de peines,
« Tant de deſtreſſes inhumaines
975 « Laiſſer couler le plus ſouuent
« La uie, ainſi comme un grand uent
« Se laiſſe choir, ſi quelque nue
« Diſtille la pluye menue:
Quand ie uoy qu'après tant de maux,
980 Il fault aller gouſter les eaux,
Qui d'une inegalle cadence
Roulent au fleuue d'oubliance,
Ie ſens une pitié dans moy,
Qui redouble un faſcheux eſmoy
985 Iuſques au plus creux de mes moelles.

Le troisième

986 « C'est le ſort des choſes mortelles,
38 « Et qui plus eſt, de prendre fin
« Incontinent que le Deſtin
« Les tient au hault de l'eſperance:
990 « Telle eſt la diuine ordonnance,
« Et auons ces malheurs receus
« Des l'heure que fuſmes conceus.

Le quatrième

993 Nous auons beau nous en débattre:
« Car la nature eſt plus maraſtre
995 « Aux hommes, qu'aux aultre' animaux
« Et ſemble que par les trauaux
« Nous payons aſſez la raiſon
« Qu'elle nous donna.

Le ſecond

La ſaiſon
Ou nous ſommes nous en fait ſages:
1000 Et en uoyons bien les preſages
En ceux qui ſont les gouuerneurs
Du peuple & qui ont les honneurs.

Le troisième

1003 « Tant ſeulement pour ceſte gloire
« Ils ſont ialoux de la uictoire,
1005 Mais le ſoldat eſt plus heureux
Encor' qu'il ne ſoit glorieux:AI AI) Se Titus Maccius Plautus' komedi Miles Gloriosus (Den skrävlande soldaten).
Plus content il quiert la fortune,
Et n'eſt ſubiect à la commune,
Si l'eſtat n'eſt bien gouuerné.

Le quatrième

1010 Ainſi le ciel la' ordonné
Et ne trouuons nous guère Prince
Qui au plus beau de ſa prouince,
39 Et lors qu'il ſe penſe aſſuré
N'aiſt la meſme mort enduré.

Acte Cinqième

Marc Brute

1015 Le Tyran eſt tué, la liberté remiſe,
Et Rome a regaigné ſa première franchiſe.
Ce Tyran, ce Ceſar, ennemi du Sénat,
Oppreſſeur du pays, qui de ſon ConſulatAJ AJ) En konsul var en av de två likställda högsta ämbetsmännen i den romerska republiken.
Auait faict heritage, & de la Republique
1020 Vne commune uente en ſa ſeule pratique,
Ce bourreau d'innocents, ruine de nos loix,
La terreur des Romains, & le poiſon des droicts,
Ambitieux d'honneur, qui monſtrant ſon enuie
S'eſtait faict appeler Pere de la Patrie,AK AK) Pater patriae, fäderneslandets fader, var en hederstitel, som utdelades av senaten i Rom.
1025 Et Conſul à iamais, à iamais Dictateur,AL AL) En diktatorr tillsattes av senaten, att med högsta befogenhet inom sex månader lösa ett nödläge.
Et pour comble de tout, du ſurnom d'Empereur.
Il eſt mort ce meſchant, qui decelant ſa rage
Se feit impudemment eſleuer un image
Entre les Rois, außi il a eu le loyer
1030 Par une meſme main qu'eut Tarquin le dernier.
Reſpire donc à l'aiſe, ô liberté Romaine,
Reſpire librement ſans la craincte inhumaine
D'un Tyran conuoiteux. Voyla, uoyla la main,
Dont ore eſt affranchi tout le peuple Romain.

Caſsius

1035 Citoyens, uoyez cy ceſte dague ſanglante,
C'eſt elle, Citoyens, c'eſt elle qui ſe uante
Auoir faict ſon deuoir, puiſqu'elle a maſſacré
Celuy qui meſpriſoit l'Aruſpice ſacré,
40 Se uantant qu'il pouuoit, malgré tous les plus ſages,
1040 Changer à ſon uouloir les aſſurez preſages.
Nous auons accompli maſſacrant ce felon,
Ce que le grand Hercul'AM AM) Bland Herkules' storverk ingick, att döda det nemeiska lejonet och Hydran samt att fånga det erymantiska vildsvinet. accomplit au lyon,
Au ſanglier d'Erymante, & en l'hydre obſtinee
Monſtre ſept fois teſtu, & uengeance ordonnee
1045 Par IunonAN AN) Juno, i grekisk mytolohi Hera, Herkules styvmor, som hyste ett särskildt agg mot honom. Detta ledde senare fram till storverken. ſa maraſtre. Allez donc, Citoyens,
Reprendre maintenant tous uos droicts anciens.

D. Brute

1047 Puiſſent pour tout iamais ainſi perdre la uie
Ceux qui trop conuoiteux couueront une enuie
Pareille à celle là: puiſſent pour tout iamais
1050 Perdre d'un pareil coup leur gloire & leurs beaux faicts.
Ainſi, ainſi mourront, non de mort naturelle,
Ceux qui uoudront baſtir leur puiſſance nouuelle
Deſſus la liberté: car ainſi les tirans
Finent le plus ſouuent le deſſein de leurs ans.

Caſsius

1055 Allons au Capitole,AO AO) Capitolium är den av Roms sju kullar, där senaten var belägen. allons en diligence,
Et premiers en prenons l'entière ioüiſſance.

M. Antoine

1057 I'inuoque des FureursAP AP) Furier var hämnd­gudinnor tänkta, att förfölja missdådare och driva dem till vansinne. la plus grande fureur.
I'inuoque le ChaösAQ AQ) Chaos är den ursprungliga och oändliga världsrymden av formlös materia. de l'éternelle horreur,
I'inuoque l'Achéron, le Styx & le Cochyte,AR AR) Acheron, Styx och Kokytos är tre av fem floder i dödsriket Hades.
1060 Et ſi quelque aultre Dieu ſous les enfers habite,
Iuſte-uengeur des maux, ie les inuoque tous,
Homicides cruels, pour ſe uenger de uous.
Hé, Traîſtres! eſt-ce donc l'amitié ordonnee
De deſrober la uie à qui uous l'a donnée?
1065 Auez uous ſu ſi bien eſpier la ſaiſon
Pour mettre en ſon effect la feincte trahiſon
41 Conceue des long temps dedans uotre poictrine
Seule qui nous enfante une orgueilleuſe Erynne!
I'atteſte ici le Ciel, ſeul iuſte balanceur
1070 De tout noſtre fortune & libéral donneur,
Des uictoires, des biens, de l'heur, & de la uie,
Qu'ainſi ne demourra ceſte faulte impunie.
Tant qu'Antoine ſera non moins iuſte que fort.

Et uous, braues ſoldats, uoyez, uoyez quel tort
1075 On uous a faict, uoyez, cette robe ſanglante
C'eſt celle de Ceſar qu'ores ie uous préſente:
C'eſt celle de Ceſar magnanime Empereur,
Vrai guerrier entre tous, Ceſar qui d'un grand cueur
S'acquit auecque uous l'entière iouiſſance
1080 Du monde: maintenant a perdu ſa puiſſance,
Et giſt mort eſtendu, maſſacré pauurement
Par l'homicide Brute.

Le premier soldat

Armons nous ſur ce traître,
Armes, armes, ſoldats, mourrons pour notre maîſtre,
Si iamais nous auons croiſez les ennemis
1085 Aux froißis des harnois, ſi nous nous ſommes mis
Quelquefois au danger d'une tranchente eſpee,
Lors que nous pourſuyuions la route de Pompee,
C'eſt maintenant ſoldats qu'il nous fault hazarder,
Voire plus promptement que n'eſt le commander.

M. Antoine

1090 Sus donques, ſuyuez moy & donnez teſmoignage
De uoſtre naturel & de uoſtre courage
Pour Ceſar, ne craignans de tomber au danger
De uotre propre mort pour la ſienne uanger.
Moy, ie uay remonſtrer à ce peuple de Romme
42 Quels malheurs nous promet la perte d'un tel homme.
Si elle n'eſt uengee ainſi qu'il appartient.

Le premier

1097 Voyez uous bien ſoldats, encor' il me ſouuient
De nos propos tenus qui comme un ſûr préſage
Et certain meſſager d'un éuident naufrage,
1100 Nous ont predict au uray l'homicide commis,
De long temps machiné par ſes propres amis
Aumoins qu'il penſoit ſiens.

Le ſecond

« Ceſte mort est fatale
« Aux nouueaux inuenteurs de puiſſance Royale.[6]

Fin